Dimanche, il a manqué à l’écolo Roumégas les voix de l’écolo Drevet pour pouvoir se maintenir au second tour. La faute aux écolos de Frêche ?
« Bravo Yves, tu l’as bien eu Roumégas ! » Tout en rondeurs, en amabilités zézayantes, Yves Pietrasanta, vice-président du conseil régional, vient de faire son apparition au PC de Frêche et le
voilà aussitôt consacré, par le maître des lieux, grand pourfendeur du rival écologiste. Il est 20 h 30 ce dimanche et les jeux sont faits : les listes Europe Ecologie ne passeront pas la barre
du maintien au second tour. Il leur manque les quatre points captés par Drevet. Tout au long de la campagne, l’ex-Monsieur Météo de la télé, ripoliné en vert tendre, s’est répandu en mots doux à
l’endroit de Frêche. Ce soir-là, tout le monde déduit de l’hommage à "Pietra" que Patrice Drevet est sa créature. Fondateur de Génération écologie avec
Lalonde et Dumont, l’ancien maire de Mèze est une figure historique du mouvement. Mais une figure controversée. Chez les Verts régionaux on n’a eu de cesse de le flinguer. Surtout depuis les
municipales où, à Montpellier, Frêche a forcé la main de Mandroux pour qu’elle laisse Roumégas et ses camarades sur la touche. Pietrasanta et les autres vice-présidents écolos du conseil régional
ont alors été sommés de rendre leurs délégations. Pietra a préféré rendre sa carte.
Ce soir d’élection, il jubile mais refuse d’endosser le pourpoint de Machiavel. Drevet ? « C’est pas lui, jure l’un de ses proches. Drevet avait fait 4 % aux Européennes. Tout le monde savait
qu’il serait aux régionales. Personne l’a poussé »
Pietrasanta a plutôt joué les médiateurs lors de ces régionales. En juin, il a d’abord répondu à l’invitation du maire de Lauret, une commune au nord de Montpellier. L’élu veut réaliser une
maison des vins. Il a contacté son ami Daniel Cohn-Bendit qui a une résidence dans le village et Yves Pietrasanta. Le député européen et le vice-président du conseil régional peuvent l’aider à
réunir les fonds. Après la réunion de travail, déjeuner à l’Auberge du Cèdre où "Dany" a ses habitudes. La conversation roule sur Frêche. Un témoin raconte : « Ils ont parlé en toute amitié. Dany
a dit que nous avions un bon bilan mais il était obsédé par les dérapages de Georges. Il était persuadé que le PS allait nous planter. Yves a tenté d’arrondir les angles. » Quelques semaines
après, à Nîmes, lors des journées d’été des Verts, Daniel Cohn-Bendit renvoie l’ascenseur : « Frêche a une vraie vision politique, il sait se projeter dans l’avenir, mais il a une conception
autoritaire du pouvoir », déclare-t-il. Le rapprochement n’ira pas au-delà.
L’autre initiative de Pietrasanta le conduit, le 24 novembre dans le bureau de… Laurent Fabius. Les deux hommes se connaissent bien. Pietrasanta raconte : « Laurent m’a assuré qu’il soutiendrait
discrètement Georges à l’intérieur du PS. »
Moins d’un mois plus tard, le 20 décembre, Fabius déclare que s’il était électeur en Languedoc-Roussillon, il ne serait pas sûr de voter Frêche. Le 22 décembre en conseil d’agglo, Frêche ne
comprend pas la volte-face, et réplique à sa façon à Fabius, évoquant… sa « tronche pas très catholique ». Le 27 janvier, L’Express revient sur l’échange et provoque les foudres du PS. Pourquoi
Fabius a-t-il ainsi changé de position ? Pietrasanta n’a pas la réponse. Mais à l’heure des assauts de la rue de Solférino, les listes de Frêche sont blindées.
« La constitution des équipes, c’était chaud, reprend le proche de Pietrasanta. Nous voulions qu’Yves mais aussi Jean-Baptiste Giordano et Marie Meunier soient bien placés. Frêche, lui, insistait
pour que les grands élus du PS, les premiers fédéraux et les secrétaires de section soient aux avant-postes. Il fallait dissuader Solférino de tenter quelque chose. »
Pietra monte au créneau et obtient que les siens soient bien traités : « Je peux tout dire à Georges », assure-t-il. Il a certainement dit à Frêche à quel point l’agaçaient ses déclarations où il
martèle que le catalan Bourquin lui succèdera en 2014 : « Georges ne renoncera pas à la Région. C’est pas bien de répéter ça. Il aiguise les jalousies. »
Libre de sa parole, Pietrasanta a donc conduit sa campagne à sa guise : « J’y ai pris un vrai plaisir », assure-t-il. A l’en croire, c’est sa force de conviction et son bilan qui auraient
maintenu Roumégas sous les 10 %. En politique on ne pêche jamais de trop d’immodestie.
Téléguidé ?
Si Pietrasanta n’a pas téléguidé Patrice Drevet, d’autres affirment que l’entourage de Frêche lui aurait facilité la vie. On lui aurait offert des candidats sur un plateau pour compléter ses
listes et parfois même un peu plus. Drevet dément : « C’est vrai qu’au début j’étais seul avec l’Alliance écologiste indépendante mais mon rapprochement avec le MoDem m’a permis de trouver mes
troupes. Frêche ne m’a pas aidé. » Quant au soutien financier, c’est l’Alliance qui le lui aurait fourni et « personne d’autre », insiste-t-il.

